Pavlos Matessis: Cabinet de curiosites

Pavlos Matessis, Cabinet des Curiosites, Bozar STUDIO

repetitions 14 novembre 2010

Notice du metteur en scène

Que cherche l'écrivaine Papadimitrakopoulou-Gaganopoulou avec ses deux chiens dans le parc? Comment fait-elle pour conserver ses toilettes d’une propreté si éclatante depuis tant d'années? Pourquoi madame Pirli refuse toute discussion avec elle à ce sujet?

Que cherchent un vampire et deux vieilles hyènes au-dessus du cadavre d'un homme qui défia la mort lors de l'épopée de Transylvanie? Quelle sorte de chocolats distribuaient les Anglais lors de l'occupation?

Pourquoi une famille grecque typique respire-t-elle jusqu'à en suffoquer la dose de pollution qui lui revient dans un jardin municipal? Pourquoi nourrit-on les chiens errants et euthanasie-t-on les oiseaux affamés du bosquet? Serait-ce pour qu'ils n'aient pas à souffrir des chasseurs et de la faim ou pour qu'ils contribuent à leur façon à la théorie (et à la pratique) de l'évolution? A-t-on moralement le droit de faire pareilles choses? Mais qu'est-ce que la démocratie enfin papa?

Jusqu'à quel point peut arriver l'amour de Madame Eli pour son animal domestique, Antona, qu'elle avait élevée avec un excès de soins, sacrifiant toute sa vie pour le dresser? Et quel serait alors le sort de ce malheureux animal si sa maîtresse décidait de disparaitre?

Et pour finir que cherche cette existence bizarre avec ses yeux de chat à observer tout le monde et toute chose du haut de son balcon sans même donner une réponse définitive à sa question existentielle fondamentale: homme ou animal, garçon ou fille, enfant ou adolescent, vie dans le cauchemar ou mort dans la réalité?

Dans le trou noir de l'existence? Tous les personnages du drame vont se rencontrer un jour de printemps dans un cirque en Philadelphie. C'est là que les anciens membres de troupe ambulante Memos et Méropée, léchant leurs plaies, vont veiller leur ancien ami et amant et se préparer pour leur dernière sortie: Memos, pour la première fois enfin jouera le rôle de protagoniste alors que Méropée redeviendra femme au foyer. Le public du cirque s entredéchirera.

À la fin personne ne s'échappe. La galerie des créatures de Pavlos Matesis est une collection de cauchemardesques paradoxes, un cabinet de curiosités. Des paradoxes qui à première vue provoquent le rire et la bonne humeur mais dont en vérité sous leur peau une veine noire traverse leur existence scénique jusqu'à leur vie primaire animale, jusqu'à la racine noire du cri.

Le monde de Matesis sort directement des tableaux de Breughel l'Ancien et de Jérôme Bosch en criant: Par ici tout le monde, par ici! Venez regarder ces créatures qu'on dirait paradoxaux. Vous rappellent-elles quelque chose? Ont-elles existé dans vos rêves ou en sont-elles sorties et vous cherchent dans la réalité? Le monde réel tel que vous le vivez ne conduirait-il pas vers l'enfer que vous cherchez à éviter? L'animal que vous êtes tous serait-il en train de se transformer en monstre?

L'art est en fin de compte monstrueux. Il fabrique des mondes-copies-des-copies comme l'aurait dit divin Platon lui-même. Et le théâtre « tranche de vie » est une supercherie encore plus monstrueuse: des corps vivants et frétillants jouent à la représentation des réalités possibles. Matesis ne participe pas à cette imposture. Il peint sur la scène les visages cauchemardesques de ses drames et nous dit: Regardez! Ce n'est pas vous, ni moi. Nous sommes d'accord. Tout cela n'est qu'un rêve qui très bientôt deviendra un cauchemar si vous ne vous réveillez pas.

« Tous les matins je me réveille. Je sors mes mains des couvertures et mes ongles sont noircis d'une terre humide. Et ma mère me dit, ne t'inquiète pas, tu n'es pas encore réveillé, c'est seulement que tu crois te réveiller. »

Et Matesis dit: Cela devrait vous préoccuper, vous ne dormez pas, vous ne faites que vous croire endormis.

Yannis KATSANOS
Bruxelles, 18 Octobre 2010.


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